La Légion d’honneur attribuée par Éric Woerth à Patrice de Maistre vaudra très certainement à ces deux membres éminents de l’UMP un petit tour en correctionnelle. Sauf appel du parquet de Bordeaux (une mesure extrêmement rare dans ce cas de figure), l’ex-ministre du budget de Nicolas Sarkozy et l’ancien gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt seront jugés dans les mois à venir pour « trafic d’influence ».
Les trois juges d’instruction chargés de l’affaire Bettencourt (Jean-Michel Gentil, Valérie Noël et Cécile Ramonatxo) viennent en effet de rendre une ordonnance de renvoi devant le tribunal dans ce volet de l’affaire, qui est distinct du dossier principal d’abus de faiblesse actuellement examiné par la chambre de l’instruction.

Les magistrats instructeurs estiment que l’octroi de cette décoration à Patrice de Maistre était bien lié à l’embauche par celui-ci de Florence Woerth, l’épouse du ministre du budget, au sein de la société Clymène qui gère les investissements de Liliane Bettencourt.
Patrice de Maistre avait reçu sa médaille des mains d'Éric Woerth en personne au mois de janvier 2008, soit deux mois après avoir embauché son épouse, Florence Woerth, au service de l’héritière de l'empire L'Oréal.
Malgré les dénégations des uns et des autres, un courrier d’Éric Woerth à Nicolas Sarkozy de mars 2007, pendant la campagne présidentielle, atteste que Patrice de Maistre, généreux donateur et membre du « Premier cercle » de l’UMP, avait réclamé sa décoration à son ami Woerth. C’est également à cette époque que le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt est fortement soupçonné d’avoir fait rapatrier des fonds depuis la Suisse pour les remettre à Éric Woerth, afin de financer la campagne de Nicolas Sarkozy.

Embauchée fin 2007 avec le titre ronflant de « directeur des investissements de Clymène », et un salaire plus que confortable (180 000 euros par an), Florence Woerth avait été licenciée en juin 2010, alors que la polémique sur le rôle joué par son mari faisait rage. Elle avait ensuite saisi les prud’hommes en avril 2011, réclamant un million d’euros à Clymène.
Dans les enregistrements révélés par Mediapart, voici ce que disait Patrice de Maistre à Liliane Bettencourt au sujet de Florence Woerth, le 23 avril 2010 : « Je me suis trompé quand je l'ai engagée. C'est-à-dire quand en fait avoir la femme d'un ministre comme ça, ça n'est pas un plus, c'est un moins. Voilà. Je me suis trompé. Pourquoi ? Parce que comme vous êtes une femme, la femme la plus riche de France. Le fait que vous ayez une femme de ministre, chez nous, tous les journaux, tous les trucs disent, euh, oui tout est mélangé, etc., bon. J'avoue que quand je l'ai fait, son mari était ministre des finances (du budget, NDLR), il m'a demandé de le faire. »

Éric Woerth a été mis en examen pour « trafic d’influence passif » en février 2012, et Patrice de Maistre pour « trafic d’influence actif » en juin 2012. L’ancien homme de confiance de Liliane Bettencourt, également poursuivi pour « abus de faiblesse, escroquerie, complicité et recel de ce délit, abus de confiance, complicité et recel de ce délit, abus de biens sociaux, complicité et recel de ce délit, et blanchiment », a passé trois mois en détention provisoire. Il a été remis en liberté en juin 2012 contre une caution de deux millions d’euros.
Le sort d’Éric Woerth et de Patrice de Maistre a fait l’objet d’une attention toute particulière de la part du parquet de Bordeaux. Un projet de réquisitoire rédigé par une magistrate du parquet en poste à la JIRS (juridiction inter-régionale spécialisée) préconisait le renvoi de ces deux personnalités en correctionnelle pour trafic d’influence. Mais, chose incroyable, le procureur général de Bordeaux, André Ride, a fait valoir que les charges n’étaient pas suffisantes à ses yeux, et a réussi à convaincre le procureur Claude Laplaud de revoir lui-même la copie. Ce qui a donc été fait, avec des réquisitions de non-lieu qui ont choqué nombre de magistrats (lire notre article ici). Les juges d'instruction n'en ont pas tenu compte.
Le trafic d’influence est passible d’une peine de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Mais la peine théorique passe à dix ans de prison et 150 000 euros d'amende pour un responsable politique : l’article 432-11 du Code pénal, qui s’applique, réprime « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui ».
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