Le ministre de la justice Michel Mercier a décidé de renvoyer la juge de Nanterre, Isabelle Prévost-Desprez, devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour « manquement au devoir de réserve, à l'obligation de prudence et aux devoirs d'impartialité et de délicatesse ». Une information annoncée par Le Monde ce 19 janvier, soit 48 heures à peine après la mise en examen du procureur de Nanterre, Philippe Courroye, dans l’affaire des « fadettes » ; magistrat contre lequel aucune sanction disciplinaire n’est envisagée pour le moment par le garde des Sceaux.
Isabelle Prévost-Desprez© (DR)
Cinq mois plus tard, le ministre de la justice s’est donc résolu à engager des poursuites disciplinaires contre cette juge indépendante et qui n’a pas sa langue dans sa poche (lire son portrait ici). Pour prendre cette décision, Michel Mercier se base notamment sur un rapport reçu du premier président de la cour d'appel de Versailles, Alain Nuée, qui conclurait à une faute de la magistrate, tout en l’expliquant par le conflit qui l’oppose au procureur Courroye.
Une sévérité à géométrie variable
Contacté par Mediapart, le président de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) est ulcéré. « Ce serait une honte que l’on renvoie Isabelle Prévost-Desprez devant le CSM alors que le cas Courroye n’est pas traité par le ministre », tonne Christophe Régnard. « Si le dernier acte du passage de Michel Mercier au ministère de la justice est le renvoi d’Isabelle Prévost-Desprez devant le CSM, ce sera une tache indélébile sur l’ensemble de l’action qu’il a pu mener depuis son arrivée. Comment assumer cela politiquement, si dans le même temps les amis proches du pouvoir sont intouchables ?», demande Christophe Régnard.
Michel Mercier© (DR)
Aux dernières nouvelles, Michel Mercier ne veut pas entendre parler de sanctions contre Philippe Courroye, et pas davantage envoyer l’Inspection générale des services judiciaires à Nanterre. Un tribunal où les tensions sont pourtant très fortes entre juges du siège et magistrats du parquet, sur fond d’étouffement systématique des affaires qui pourraient contrarier l’actuel président de la République ou ses proches.

Michel Mercier, accusé récemment de vouloir museler les magistrats à l'occasion d'une autre affaire disciplinaire visant un vice-procureur de Bobigny, était en revanche déjà intervenu maladroitement pour épargner Philippe Courroye: en octobre dernier lors du congrès de l'USM, le ministre avait demandé - en vain - à Christophe Régnard de censurer un passage incendiaire de son discours, comme l'avait révélé Mediapart.
Drapé dans sa dignité, le procureur Courroye refuse, pour sa part de quitter son poste, et continue de protester vivement de sa parfaite indépendance.
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