L'ancienne comptable de Liliane Bettencourt, à l'origine des révélations les plus compromettantes dans le volet politico-financier de l'affaire Bettencourt, poursuit son marathon policier et judiciaire. Lundi 26 juillet, dans la soirée, Claire Thibout a dû, une énième fois, se rendre à une convocation de la police, en l'occurrence de la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), service chargé avec la brigade financière (BF) de conduire les enquêtes préliminaires ouvertes par le parquet de Nanterre depuis la publication par Mediapart des enregistrements clandestins effectués au domicile de l'héritière de L'Oréal.
Auditionnée à de nombreuses reprises depuis le début du mois de juillet et ses déclarations sur d'éventuels financements politiques occultes – notamment la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 –, elle semble de plus en plus être devenue l'otage de la guerre ouverte qui oppose désormais au sein du tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine) le procureur Philippe Courroye à la juge Isabelle Prévost-Desprez, qui mène ses propres investigations sur l'affaire.
Au risque de la faire apparaître comme une suspecte plus que comme un témoin (ce qu'elle est juridiquement), les policiers, à la demande du parquet, semblent décidés à la questionner régulièrement. D'après nos calculs, c'est la huitième fois en un mois que l'ex-comptable est interrogée par un service de police.
Lundi soir, ils ont interrogé l'ex-comptable sur deux points. Le premier concerne une note intrigante, découverte dans l'agenda 2007 de Claire Thibout, qui mentionnait un rendez-vous avec un mystérieux «Monsieur X». De quoi susciter, à l'évidence, la curiosité. Las, les enquêteurs sont restés sur leur faim, Mme Thibout s'étant révélée incapable de se souvenir qui ce «Monsieur X» pouvait bien dissimuler.
Second motif d'interrogation pour les policiers: la somme de 400.000 euros versée en juillet 2007 par la fille de Liliane Bettencourt à Claire Thibout. Les enquêteurs voulaient d'abord savoir pourquoi l'ex-comptable avait révélé l'existence de ce versement à la juge Prévost-Desprez (qui l'a interrogée le 16 juillet) plutôt qu'à eux-mêmes!
«Ma cliente leur a tout simplement répondu qu'elle leur aurait volontiers dit s'ils lui avaient posé la question», persifle Me Antoine Gillot, l'avocat de Claire Thibout.
Sur le fond, l'ancienne comptable a donc réexpliqué ce qu'elle avait déjà dit à Mme Prévost-Desprez quelques jours plus tôt. Devant la présidente de la XVe chambre du tribunal de Nanterre, qui lui demandait «dans quelles conditions» elle était partie de chez les Bettencourt, Mme Thibout avait répondu ceci: «Ils ont décidé de me licencier en septembre-octobre 2008 et en novembre 2008 mon avocat a négocié mon départ dans le cadre d'une transaction avec Me Goguel (ancien avocat fiscaliste de Liliane Bettencourt). J'ai bénéficié de la somme de 400.000 euros.»
Puis l'ex-comptable a ajouté: «Je voulais aussi vous dire que Françoise Meyers-Bettencourt m'avait demandé si j'acceptais de l'aider en témoignant de ce que j'avais vu si elle portait plainte. Je lui ai expliqué que bien évidemment si je le faisais je serais licenciée, ce qui était difficile car j'avais 50 ans et que je percevais un salaire important pour mon travail chez Liliane Bettencourt. Françoise Meyers-Bettencourt m'a alors proposé de m'indemniser à hauteur de ce qu'elle estimait juste comme indemnité soit 800.000 euros déduction faite bien sûr de ce que je percevrais lors de mon licenciement. Bien évidemment dans le cas où je ne serais pas licenciée cet accord n'avait pas lieu d'être. Je vous remets l'original du courrier qui explicite tout ceci, courrier en date du 11 juillet 2007. En application de cet accord, j'ai perçu 200.000 euros en décembre 2008 et 200.000 euros en janvier 2009 de la part de François Meyers-Bettencourt. Je vous précise aussi que je n'ai pas déclaré cette somme aux impôts car j'ai considéré que c'était des dommages et intérêts dans le cadre d'un licenciement.»
Face à ces auditions à répétition dont l'utilité peut parfois paraître évanescente, l'avocat de Claire Thibout crie au «harcèlement». «Ma cliente, dit-il à Mediapart, en a ras-le-bol de ces auditions à répétition. La dernière en date, lundi soir, était aussi inutile que vexatoire. Elle en a marre d'être considérée comme une suspecte. Je constate que le harcèlement continue. L'intérêt est manifestement de prendre en défaut ma cliente, qui, elle, n'a commis aucun délit, plutôt que ceux dont les turpitudes sont aujourd'hui avérées. C'est le monde à l'envers! Je constate, par ailleurs, que ma cliente n'a pas droit au régime de faveur accordé à Mme Bettencourt, entendue avec une extrême courtoisie. Jusqu'à preuve du contraire, elle est pourtant une fraudeuse fiscale avérée.»
Me Antoine Gillot poursuit: «J'entends aussi Eric Woerth dire son impatiente d'être entendu, eh bien, ma cliente, elle, est impatiente d'en finir avec ces auditions qui perturbent sa vie de façon considérable et lui causent un préjudice majeur. Elle a le sentiment de pouvoir être convoquée à tous moments, y compris comme lundi soir sur des choses qu'elle a déjà dites, c'est tout simplement inacceptable.»
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