Le 24 juin, Alain Madelin sera l'invité du Club «Réformes et modernité» du député (UMP) Hervé Mariton. Ils auront sans aucun doute des débats intéressants sur le cas Woerth. Mardi, sur BFM, évoquant la situation du ministre du travail, l'ancien ministre de l'économie et des finances d'Alain Juppé a parlé d'une «situation de conflit d'intérêts incompatible avec la fonction». La «meilleure preuve», selon l'ancien député UMP, «c'est que dès que le coup de projecteur est porté sur Mme Woerth, elle est obligée de démissionner. Ça montre bien que la situation était intenable».
Alain Madelin ajoute: «Dans n'importe quel autre pays européen, je ne pense pas que le ministre du budget puisse être trésorier du parti majoritaire. C'est le premier conflit d'intérêts qui illustre très bien une certaine inconscience française par rapport à toutes ces questions.»
Cette «inconscience» ne semble pas poser autant de problème à ses anciens camarades de l'UMP. Depuis deux jours, les porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre et Dominique Paillé, le secrétaire général, Xavier Bertrand, et le patron des députés de la majorité, Jean-François Copé, se sont chargés de faire le tour des télés et radios pour répéter qu'Eric Woerth est «un homme intègre».
Mardi matin, le groupe UMP à l'Assemblée leur a emboîté le pas. Le vice-président UMP de l'Assemblée nationale, Marc Laffineur, a annoncé que les députés de la majorité apportaient leur «soutien complet» à Eric Woerth et a jugé «indigne» «l'amalgame fait avec la situation de son épouse». «Cet amalgame [est] fait pour essayer de déstabiliser ce ministre, qui a en charge une réforme très importante. C'est une opération de déstabilisation sordide», a également estimé Jean-François Copé.
Lors de la réunion hebdomadaire, à huis clos, du groupe UMP, mardi midi, les députés ont été briefés – “tous derrière Eric Woerth” – et les éléments de langage distribués: «Il n'y a pas de conflit d'intérêts», «il n'y a pas de preuve», «Eric Woerth est un homme intègre», «sa femme travaille depuis 25 ans dans ce cabinet», il faut dénoncer ces «amalgames». Autre riposte prévue, jouer les victimes en comparant les accusations lancées à Eric Woerth à celles subies par l'ancien premier ministre Pierre Bérégovoy en 1993.
Affaire, quelle affaire ?
Salle des Quatre colonnes, avant les questions au gouvernement, les élus ont donc récité leur texte. Patrick Ollier (Hauts-de-Seine): «C'est un amalgame que l'opposition veut monter de toutes pièces. Il n'y a pas de conflit d'intérêts, sauf pour ceux qui veulent le créer. Sa femme occupait déjà ses fonctions avant. Il n'y a pas le début d'un commencement de preuve. Ce sont des accusations scandaleuses. Je connais Eric Woerth depuis longtemps, il a toujours été pointilleux, d'une grande rigueur.»
Dire que c'est «un conflit d'intérêts» est «inacceptable», explique à Mediapart Hervé Mariton, le député villepiniste de la Drôme qui a finalement choisi de rester à l'UMP. «N'utilisons pas de mots aussi forts, cela n'a pas été démontré.» Lorsqu'on l'interroge sur l'«inconscience française par rapport à toutes ces questions» dont parle Alain Madelin, il réplique qu'«il n'y a pas de problème moral». Mais salue la décision de Florence Woerth de démissionner: «M. et Mme Woerth ont décidé d'appliquer l'adage “La femme de César ne doit pas être soupçonnée”. La raison justifie d'appliquer la sagesse latine.»
Didier Julia (Seine-et-Marne) nous affirme que «ce n'est pas une affaire». «C'est peut-être Mme Woerth... Mais une femme est indépendante de son mari aujourd'hui», dit-il. Et pour qu'il y ait conflit d'intérêts, il faudrait pouvoir dire “voilà les preuves”». Par ailleurs, estime-t-il, «la trésorerie de l'UMP est gérée par l'Etat maintenant».
«Je souhaite que ce ne soit pas une affaire, explique Christian Vanneste, le sulfureux député du Nord. Il ne faut jamais mélanger intérêts publics et intérêts privés. L'ensemble des ministres doit se rappeler qu'ils ont un devoir d'exemplarité.» Tout en reconnaissant: «Ce cumul des fonctions est une erreur. Il aurait fallu la corriger. Je souhaite que les choses soient mises au clair, mais je n'ai aucune raison de demander sa démission.»
A quelques mètres, les députés villepinistes Marie-Anne Montchamp (Val-de-Marne), François Goulard (Morbihan) et Jean-Pierre Grand (Hérault), faisaient entendre leur petite musique. «Ministre chargé des impôts et trésorier de l'UMP, ça laisse penser qu'il y a des interférences. Il faut qu'il quitte la trésorerie de l'UMP. Ça entretient une confusion et ça donne l'image d'un parti majoritaire représentant les hauts revenus. (...) C'est toujours, de manière caricaturale: “L'UMP c'est le parti des riches et des très riches. C'est dur à porter”», explique François Goulard. «Indépendamment des faits, de leur consistance, du caractère légal ou illégal, il y a un impact sur l'opinion publique.»
Jean-Pierre Grand va plus loin: «Cela veut dire que Mme Bettencourt avait embauché le ministre du budget.» «Il faut que le président siffle la fin de la récréation et fasse un nouveau gouvernement», a-t-il ajouté, évoquant également l'affaire des 12.000 euros de cigares du secrétaire d'Etat au Grand Paris, Christian Blanc.
«Il n'y a pas une démocratie au monde où on peut être ministre du budget, trésorier de l'UMP et avoir sa femme qui gère la première fortune de France», lance l'ex-UMP Nicolas Dupont-Aignan, qui dénonce un «conflit d'intérêts». Pour lui, Eric Woerth «doit démissionner de son poste de trésorier de l'UMP». A la question “Eric Woerth doit-il démissionner de son poste de ministre”, le président de Debout la République sourit: «Avez-vous vu dans une République bananière un ministre démissionner?» «Ça ne veut pas dire que Woeth est coupable, mais qu'il faut une enquête.»
Quelques minutes plus tard, lors des questions au gouvernement, François Fillon s'est chargé de répondre à une question du député PS Jacques Maillot, adressée au ministre du travail (écoutez-le ici). Réaffirmant sa «confiance» et son «amitié», le premier ministre a répété: «Eric Woerth est un homme intègre. Eric Woerth n’a commis aucune faute. Eric Woerth n’a donné aucune instruction concernant la situation fiscale de Madame Bettencourt.» «Je me suis toujours interdit de hurler avec les loups. Je n'ai jamais accepté de jeter aux chiens l'honneur d'un homme politique», a-t-il martelé dans une allusion au discours de Mitterrand à l'enterrement de son premier ministre Pierre Bérégovoy – comme l'a fait Dominique Paillé sur BFM TV, au même moment.
Deuxième question d'un député socialiste. Eric Woerth prend le micro. «C'est immonde et c'est ignoble. Jamais mon épouse n'a eu besoin de moi pour trouver un travail. (...) Mon intégrité est totale», a-t-il répliqué, concluant également son intervention avec une référence à Pierre Bérégovoy. Une intervention durant laquelle il n'a répondu à aucun des points soulevés par les députés de l'opposition.
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